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Illustration de la lettre M pour le mot matière dans les tons jaune pour l'alphabet d'architecte de l'agence bordelaise Bulle Architectes.

● ALPHABET D’UN ARCHITECTE ●

On aime cette lettre. M comme matière, matériau et matérialité.

De l’un à l’autre il n’y a qu’un pas.

La matière a une masse et occupe l’espace dans quatre états possibles (solide, liquide, gazeux ou plasma). Le matériau possède quant à lui des propriétés spécifiques qui expliquent son utilisation dans un objectif précis. La matière devient matériau dès que l’on envisage de fabriquer ou construire quelque chose. La matérialité, enfin, est la mise en œuvre particulière de matériaux.

Si l’architecture du XXè siècle exprimait une modernité mondialisée, les techniques du XXIè siècle témoignent d’une société désireuse de renouer avec ses racines.
Et aujourd’hui plus que jamais, face à l’outrage fait à la nature, la matière est anoblie tandis que le matériau fait figure de corrompu en raison de sa transformation.

L’enjeu actuel est moins la recherche d’une plasticité que la nécessité de préserver cette matière brute devenue ressource et dont le caractère n’est plus inépuisable.

Le discours sur l’architecture s’est ainsi déplacé. Les façades en pierre massive, en terre crue ou en paille valent moins pour le grain de leur matière que pour leur territoire d’origine d’extraction et leur bilan carbone.

Si cette prise de conscience est essentielle et de bon sens, le fait d’annoncer la filière mobilisée et de recourir au biosourcé comme matériau de construction ne peut néanmoins justifier à lui seul de la qualité architecturale d’un bâtiment.

Frugalité et résilience sonnent l’injonction d’une nécessaire sobriété et économie de la matière en réponse à une surconsommation inadaptée.

Mais nous devons rester vigilants à ce que ces notions ne soient pas détournées de leur sens et instrumentalisées pour devenir des subterfuges à un appauvrissement programmé de l’architecture. A trop vouloir réduire le projet à l’os il ne restera plus rien.

Veillons à conserver la poésie, la musique du projet, sa matérialité.

La matérialité produit des effets, des ambiances, des univers, des atmosphères qui dépendent des matières utilisées et de leurs caractéristiques (brillance, transparence, planéité, rugosité…) mais qui ne s’y réduisent pas.

La matérialité renvoie à des expériences passées, des souvenirs, et déclenche des émotions, des sensations voire des sentiments. Des matériaux que l’on pourrait penser lourds, opaques, petits pourront pourtant produire des effets antagonistes de légèreté, de transparence et de grandeur.

La matérialité convoque la sensibilité du matériau plutôt que sa technicité. Selon nous, il n’existe pas de bons ou de mauvais matériau mais sans doute des manières maladroites ou inappropriées de les mettre en œuvre.

Finissons sur une bulle de légèreté. Telle une maison, une bulle est constituée d’une matière (l’air) et de matériaux (eau et savon) qui, tous deux combinés, créent une matérialité exceptionnelle : légèreté, brillance, transparence, formes, reflets et irisations qui ne laissent pas de marbre.
Alors bullons !

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